Article paru dans l'Est Républicain en page Vosges

Elus, représentant de l’Etat et représentants des papetiers, même combat ! Photo Nicolas BARREAU


Tous groupés pour Matussière et Forest

Le 2 janvier à 15 h, Henri Kreitmann, le président de Matussière et Forest SA, la holding des Papeteries du même nom, avait demandé un rendez-vous à Christian Poncelet : pour lui annoncer en avant-première la fermeture de l'usine de Rambervillers, dont le comité central d'entreprise devait être informé quatre jours plus tard.

Dire que le président du Conseil général n'a pas apprécié est un euphémisme. Martine Gimmilaro en a été témoin, elle-même étant « assommée », par la nouvelle. « Je ne sais pas comment j'ai fait pour rentrer en voiture », confiait hier la conseillère générale de Rambervillers, qui a alors elle-même prévenu les délégués de la papeterie, pour leur éviter le coup de massue au CCE.

Espoir partagé
Quant à Christian Poncelet, il a sonné hier la mobilisation générale autour des représentants des papetiers venus lui demander de l'aide, tandis que, dans l'usine, leurs collègues continuent à travailler pour prouver que leur entreprise est viable : « Pour un camion de matière première qui entre, nous laissons sortir un camion de produits finis », expliquait hier matin Jean-Christophe Capdet. « Il n'est pas question de faire attendre les clients. Nous expédions d'abord les commandes les plus urgentes et nous ne gardons que celles qui sont destinées à être stockées. »


Gare à la loi de modernisation sociale !
La décision de Matussière et Forest étant irrévocable, l'espoir des salariés est de trouver un repreneur pour ce site qui a de nombreux atouts. Un espoir unanimement partagé : pour recevoir la délégation CGT-CFDT (lire par ailleurs) emmenée par le secrétaire du comité d'entreprise Yannick Marquis, Christian Poncelet était entouré du député-maire d'Epinal Michel Heinrich, de Martine Gimmilaro, du sous-préfet Yvon Alain, du directeur départemental du Travail Yves Plouviez et de Dominique Dautriche du Capev.

La table ronde a duré plus d'une heure, après que Christian Poncelet eut regroupé symboliquement tout le monde autour de lui pour la photo, et mis du baume au coeur des « Matussière » en confirmant qu'il avait reçu « très durement », le nommé Henri Kreitmann, venu lui dire froidement que les papetiers vosgiens devaient accepter d'être sacrifiés pour la bonne cause : éponger des pertes abyssales.

Preuve de la fureur présidentielle : « Qu'on applique la loi ! », lance Christian Poncelet, faisant référence à l'article 118 de la « loi de modernisation sociale » d'avril 2002 (et de gauche), qui impose à une entreprise de plus de 1000 salariés fermant un site de consacrer trois à quatre SMIC par salarié à sa réindustrialisation, faute de quoi le trésorier-payeur-général est chargé de récupérer la créance.


Des briques dont personne ne veut
En attendant que MF manifeste sa bonne volonté en cédant le site plutôt que de mettre de l'argent dans un plan social, les papetiers font eux-mêmes la promotion de leur usine et de ses salariés compétents (35 ans de moyenne d'âge). Ils ont réalisé une plaquette énumérant les nombreux atouts de cette installation classée autorisée, pourvue d'une station d'épuration « enviée par les autres papeteries », certifiée iso 9002 pour la qualité, dont les bâtiments sont chauffés, isolés et entièrement équipés de « sprincklers » contre l'incendie.

Et surtout la papeterie produit 97 % de papiers recyclés, à partir de rebuts que l'on ne s'arrache pas, comme les affiches publicitaires imprégnées de colle.

C'est même l'une des deux seules usines de France à traiter les briques alimentaires dont personne ne veut, puisqu'il faut en retirer l'aluminium intérieur pour récupérer le carton, expliquent les délégués, qui verraient bien un repreneur se tourner (avec des aides) vers le « développement durable », par exemple en transformant les sacs plastique en bitume.


Si MF coupe les vivres...
La meilleure preuve de sa viabilité, c'est que le planning de la papeterie est chargé jusqu'à fin janvier pour les deux machines. Il « déborde » même sur février, ce qui n'empêche pas ses salariés de craindre que MF lui coupe les vivres... « Monsieur le président, faites pression pour que la matière première continue d'arriver ! », résume Denis Schnabel. « Et s'ils décident de couper le gaz ou l'électricité ? », s'inquiète Nathalie Marion. « On vous invite à venir sur le site quand vous voulez ! », conclut le secrétaire du CE. « Si j'ai le temps », promet Christian Poncelet. « Je préférerais venir avec un repreneur... » La chasse est ouverte.



Catherine MICHELET-FRÉMIOT