Article paru dans l'Humanité le 27 avril 2004

Les Vosges touchées de plein fouet par l'insécurité sociale

Dans un rayon de 30 kilomètres, une papeterie de haute technologie et une entreprise textile licencient près de 300 salariés.

Correspondance particulière

Plus connu pour ses ballons verdoyants, le département des Vosges possède pourtant une forte tradition industrielle avec, dans le fond de ses vallées, de nombreuses usines de textiles, des scieries ou des papeteries. Alors, lorsque dans un rayon de 30 km se prépare le licenciement de plus 300 salariés sur deux entreprises, le désespoir s'affiche. Devant les portes de la papeterie Matussières et Forest de Rambervillers, un petit groupe de salariés discute devant un feu de palettes. Le week-end dernier, journées portes ouvertes, les salariés ont fait visiter leur entreprise à la population. L'heure est à la mobilisation, car d'ici peu la dernière machine encore en service va s'arrêter, sans aucune certitude de la voir redémarrer un jour. Les deux cents salariés vont recevoir leur lettre de licenciement mais la lutte commencée le 6 janvier dernier avec l'annonce du dernier groupe papetier français de fermer le site de Rambervillers, se poursuit. " En janvier, nous étions dans la situation d'une fermeture pure et simple de l'entreprise. Le groupe Matussières et Forest refusait l'éventualité d'un repreneur. Aujourd'hui, grâce à notre lutte nous avons l'espoir d'un retournement de situation avec la reprise de cette entreprise qui est à la pointe des technologies environnementales ", explique Jean Christophe Capdet, le délégué CGT.

Cette usine au fond de la vallée de la Mortagne, recycle, en effet, sous forme de papiers divers les emballages de type TetraPak (65 % du marché actuel). Un atout que Michèle Gruner, récente conseillère régionale communiste, valorise dans ses interventions auprès des pouvoirs politiques locaux : " On sent un frémissement de revirement dans la position de Matussières de ne pas vendre. Les salariés ont tout fait pour que leur outil de production soit en état de marche dès le lendemain de l'achat par un repreneur. Les pouvoirs publics ont le devoir de mettre toutes les pressions possibles sur ce groupe afin qu'il s'engage définitivement dans la vente. On ne peut pas brader, au nom de la rentabilité immédiate, une usine comme celle de Rambervillers qui appartient déjà aux entreprises du futur. " Dans les locaux du comité d'entreprise, l'espoir renaît. Des contacts de plus en plus fructueux s'engagent avec des entreprises papetières intéressées par le site vosgien. Dans les ateliers, les salariés s'attaquent au nettoyage de l'usine : " On veut montrer que derrière notre combat, il y a des hommes qui veulent laisser un outil de travail en bon état ", souligne Jean Christophe Capdet. Dans les semaines à venir, jour et nuit, ils vont assurer la maintenance afin que l'entreprise puisse redémarrer immédiatement.

À quelques kilomètres de Rambervillers, les ouvriers de l'entreprise textile Perrin à Uxegney, eux ne se font plus guère d'illusions. Le redressement judiciaire en cours devrait rapidement se conclure par un dépôt de bilan. Le plan social qui vient de mettre plus 100 personnes au chômage n'épargnerait donc pas les 37 derniers salariés. Mais, derrière ce fatalisme, la colère monte chez les anciens salariés qui demain risquent de se retrouver aussi sans logement. Dans la tradition patronale, les Filatures et tissages Perrin avaient construit une cité ouvrière aux portes de l'usine. Pour un loyer plus que modeste, les ouvriers bénéficiaient d'une maison. À leur retraite, ils ne payaient plus de loyer tout comme les personnes récemment mises au chômage. La crainte aujourd'hui entretenue par l'administrateur judiciaire serait qu'à la vente des biens de l'entreprise, la cité ouvrière fasse partie d'un lot susceptible d'être cédé à un promoteur immobilier. " Dans ce cas, les ouvriers peuvent rester dans leur maison. Mais les loyers demandés par les nouveaux bailleurs connaissent rapidement une augmentation exorbitante qui oblige les personnes à quitter leur logement. Nous payons par le chômage les erreurs de gestions de nos patrons et en plus, nous risquons d'être à la rue ", dénonce Georges Paul, délégué CGT de l'entreprise. Des actions se développent en direction de la population et des pouvoirs publics car, comme le souligne Azani Nazim, un retraité : " si les ouvriers ont perdu leur travail et leur maison, les dirigeants par le travail de centaines de salariés depuis des décennies passeront une retraite aisée dans le château qui domine la vallée ".

Alain Cwiklinski