Article paru dans l'Est Républicain en page Vosges le 02 avril 2004


Vendredi après-midi, les salariés ont reçu la visite des élus de la région Jean-François Moinaux et Jean-Yves Le Deaut. Photo Vincent HOPÉ


Nouvelle donne pour les Matussière

L'arrivée des lettres de licenciement et le placement du groupe MF en redressement judiciaire inquiètent légitimement les Matussière de Rambervillers.

A Rambervillers ; les Matussière n'abdiquent pas. Ce n'est pas le style de la maison. Mais le temps commence à devenir long pour les salariés qui se relayent, 24 h sur 24, au piquet de garde à l'entrée de l'usine. 120 jours que ça dure. Quatre longs mois d'une farouche mais usante mobilisation sur tous les fronts. Entre espoirs et craintes. Au gré des rumeurs. Sans savoir de quoi sera fait l'avenir. « C'est vrai qu'on commence à en avoir un peu ras-le-bol », lâche Dominique Gaillard, un représentant du CE. Mais il faut continuer à y croire. Et à maintenir la pression.

Cette semaine, les événements se sont un peu bousculés. Il y a d'abord eu l'arrivée des lettres de licenciement. 75 % des 205 employés les ont reçues. Dans le même temps, une douzaine de propositions de reclassement ont également été envoyées à certains salariés. Lesquels vont logiquement user du délai de deux mois accordé par l'entreprise pour voir comment va évoluer la situation sur place. Enfin, vendredi, le tribunal de commerce de Grenoble a donc placé le groupe Matussière et Forest en redressement judiciaire pour une durée de six mois reconductible. Un nouvel épisode qui n'arrange pas les affaires des Matussière de Ramber.

Jean-Christophe Capdet, le délégué syndical CGT, Frédéric Balland, son homologue de la CFDT, et Yannick Marquis, le secrétaire du CE, se trouvaient en Isère. « On tenait à y être car le tribunal devait nommer les administrateurs. Et nous voulions les contacter le plus vite possible », explique Alain Poron, délégué du personnel. Contact établi peu après le jugement, au siège de MF à Meylan. « L'un d'eux pourrait venir visiter les locaux », confie Yannick Marquis.

Vendredi après-midi, les salariés ont pu évoquer les inquiétudes nées de leur nouvelle situation avec Jean-Pierre Moinaux et Jean-Yves Le Deaut, les deux vice-présidents du conseil régional venus leur apporter leur soutien à l'usine. « Désormais, nous ne faisons plus partie de Matussière et Forest. Du coup, ce que nous craignions, c'est que les dossiers en cours concernant la reprise ne repartent de zéro », ont-ils expliqué aux deux élus.

Une crainte justifiée du fait que les administrateurs ont été désignés pour se pencher sur les difficultés du groupe Matussière et pourraient du coup se désintéresser du cas de Rambervillers, le site étant officiellement fermé et trois quarts des salariés déjà licenciés. « On a donc un peu peur de rester au bord de la route », admet Alain Poron.

La crainte des délais

Cette évolution de la situation peut-elle donc changer la donne concernant les tractations menées en coulisses avec les éventuelles repreneurs ? Notamment le papetier allemand qui s'est dit intéressé pour acquérir l'usine de Rambervillers ? C'est la principale interrogation des salariés. Lesquels craignent que l'échéancier, qui prévoyait des avancées pour début mai, ne soit pas respecté. « On pensait que les choses allaient bouger. Et là, avec cette nouvelle donne, on se revoit parti pour un moment... », redoute Dominique Gaillard.

« Le fait que vous ayez reçu vos lettres de licenciement fait que Matussière n'est plus l'interlocuteur dans les dossiers de reprise. Cela peut faire évoluer le prix de la cession. Il va donc y avoir de nouvelles discussions. Mais cela n'est pas forcément un handicap », répond Jean-Yves Le Deaut, « la vraie question, c'est effectivement celle du temps ». A la limite, passe encore un délai supplémentaire s'il doit y avoir des avancées au bout du compte. « La priorité pour nous, c'est la reprise », clament en choeur les exemplaires salariés de Ramber. Mais que l'attente devient de plus en plus difficile à supporter...

Pierre-Henry WEXLER