Article paru dans  l'Est Républicain le 10 juin 2004 en page Vosges


A l’audience de référé du tribunal de grande instance d’Epinal. Photo Vincent HOPé

Une semaine de répit pour les Matussière
Le tribunal d'Epinal réuni hier matin rendra sa décision le 16 juin. La direction de Matussière n'a pas (encore) obtenu l'expulsion du piquet barrant l'entrée de l'usine rambuvetaise.

Les salariés étaient venus en force à l'appel des représentants des salariés, Frédéric Balland, CFDT et Jean-Christophe Capdet, CGT. Ce dernier syndicat était d'ailleurs venu en force, deux camionnettes barrant dès avant neuf heures hier l'esplanade devant le Palais de justice avec force banderoles cégétistes, le secrétaire fédéral Pascal Févotte et renfort de nombreux syndicalistes d'autres branches. Ce barrage de circonstance créa d'ailleurs un incident avec un automobiliste agressif, qui faillit en venir aux mains avec les manifestants.

Pendant ce temps, le gros des troupes était entré dans le Palais de justice, afin d'y attendre patiemment leur tour que leur cause soit instruite dans la salle des audiences civiles.

Référé heure par heure
Au bout d'une petite heure, l'avocate lyonnaise de la direction de Matussière et Forest put exposer les motifs de son assignation en référé de six salariés (dont les délégués) de l'usine de Rambervillers, accusés nommément de bloquer l'entrée de l'usine physiquement, et par la mise en place de rouleaux de papiers. Cela depuis plusieurs mois. L'assignation en référé « heure par heure », avec demande de 400 € d'astreinte par heure de retard ( ! ) visait aussi les chalets de Noël installés par le maire devant l'entrée de l'établissement depuis cet hiver. Motif : ils se trouvent sur un terrain privé. Le maire les ayant fait enlever la veille de l'audience, les avocats purent se concentrer sur le principal, l'expulsion demandée des salariés.

L'avocate lyonnaise estima que le barrage contrevient à « la la liberté de circuler » et au droit de propriété. « Des clients de la société ont écrit pour se plaindre de l'obstruction, d'autres pour annuler des commandes. Ce barrage empêche la sortie de 3000 tonnes de papier dont nos clients, et certaines usines du groupe, actuellement en redressement judiciaire ont besoin. L'action des salariés compromet les chances de redressement des autres usines du groupe. 1.000 emplois sont en jeu. »

Dans la salle, un salarié maugrée : « Le groupe en produit 400.000 tonnes par an. Qu'est-ce que c'est que 3000 tonnes ! » A cet argument, Me Franey, du barreau de Reims répond qu'il y en a 1000 tonnes dehors, chez les transporteurs.

« Procédés illicites »

La direction estime donc qu'il y a « urgence, trouble illicite, procédés illégaux ». Me Franey conteste la forme des constats d'huissiers, estimant qu'ils ont été faits sous la dictée de la direction. « Un PV évoque la présence d'un délégué, M. Capdet, qui se trouvait au même moment au CCE à Grenoble. Et quand l'huissier est revenu le lendemain pour son second constat, le 4 juin à 9 h, il l'a noté encore présent alors qu'il dormait, étant revenu des Alpes à 4 h du matin... » L'avocat estime que le climat n'a cessé de se dégrader depuis fin avril et dépôt de bilan, et depuis que le CE de Rambervillers a assigné la direction en mettant en cause le plan social (audience le 24 juin prochain). Il met en avant la jurisprudence, témoignant que des plans sociaux dans le passé ont été annulés, mais n'ont pas permis la réintégration des salariés, l'usine ayant entre-temps été entièrement déménagée, stocks et machines... Me Franey suggère que c'est ce qui arriverait si le tribunal fait droit à la demande de sa consoeur. En d'autres termes, le candidat allemand à la reprise du site, qui doit se déterminer le 15 juin en principe pourrait ne reprendre qu'une coquille vide, ce qui diminuerait l'intérêt d'une reprise.

On ne sait par quel miracle, mais finalement, le tribunal présidé par le juge Bernard Cunin a finalement décidé de rendre son délibéré non pas immédiatement, mais le 16 juin... « De toute façon », observe un salarié, qui avait écouté comme ses collègues avec une attention respectueuse les débats, « si Lenk nous reprend, on lève tous les barrages dans la minute ».

Les Matussière sont donc sortis passablement soulagés. Ce sursis d'une semaine est la meilleure nouvelle du jour. Du coup, la camionnette de la CGT a été mise à contribution pour offrir les cafés (très bons) et des rafraîchissements, avant de lever le camp, sans incident.

Guillaume MAZEAUD