Article paru dans  l'Est Républicain le 21 septembre 2004 en page Vosges


Jean-Christophe Capdet apprend de la bouche de l’inspecteur du travail la proposition des vigiles d’aller chercher « ses affaires ».

Matussière : la CGT expulsée de l'usine
Les salariés veulent rester dans la légalité, malgré le coup de force de la direction.

« Ça c'est passé entre notre dernière ronde, samedi soir, et ce matin lundi, quand nous avons repris notre surveillance ». Jean-Christophe Capdet est amer. Le leader CGT de Matussière et Forest ne peut même plus accéder au local du Comité d'entreprise. Des vigiles interdisent l'accès du site. Ils ont entouré la porte d'entrée d'une énorme chaîne, et se mettent à plusieurs pour manoeuvrer la porte coulissante chaque fois qu'un camion entre ou sort. Ce qui arrive plusieurs fois par heure. Un stock de boues de papeterie dans un champ sur la route de Destord est régulièrement ponctionné pour être épandu. Mais entre temps, les camions, une fois chargés viennent faire la pesée avant l'épandage.

Les salariés sont désemparés. Ils avaient été déjà sommés par voie de justice de libérer l'entrée, en toute légalité d'ailleurs, mais cette fois, c'est de pénétrer à l'intérieur qui leur est interdit, ce qui constitue selon la CGT un délit d'entrave. « Il y a encore actuellement quatre salariés en préavis et une soixantaine de personnes, dont moi, en congé de reclassement. Légalement, nous faisons toujours partie de l'entreprise. Et tout aussi légalement, le comité d'entreprise existe toujours... »

Des patrouilles

Ce n'est pas seulement pour aller récupérer son matériel, que Jean-Christophe Capdet proteste. Mais c'est surtout pour la surveillance. « Nous faisions plusieurs patrouilles chaque jour pour vérifier qu'aucun matériel ne partait. S'ils font sortir l'informatique, l'usine ne peut plus redémarrer. Ou en tout cas, cela complique sérieusement la tâche du repreneur.... » C'est donc pour prévenir la sortie du matériel stratégique que ces rondes et cette surveillance ont été organisés... depuis le 14 avril, date de fermeture de l'usine.

A 13 h 50 hier, sur réquisition du secrétaire départemental de l'UD-CGT Pascal Févotte, alerté par le délégué de l'usine Jean-Christophe Capdet, arriva Bernard Amstett, inspecteur du Travail. Celui-ci conseilla vivement aux ouvriers en colère de rester dans la légalité. Puis, il se fit ouvrir la porte et alla signifier aux vigiles qu'ils se rendaient complices d'un délit d'entrave. Ceux-ci lui ont expliqué qu'ils recevaient leurs ordres de la direction générale. Mais permirent au délégué syndical d'aller rechercher ses affaires. M. Amstett s'en fit l'interprète, mais Jean-Christophe Capdet opposa une fin de non-recevoir à la proposition. « J'ai le libre accès au local du CE où du travail m'attend, et ce droit m'est contesté. De plus, je ne vais pas emmener avec moi la ligne téléphonique. Et ce n'est pas à moi de payer les communications ! » M. Amstett fit alors sa sortie, qui ressemblait curieusement à une levée d'écrou. Il suggéra aux syndicalistes de saisir le juge des référés pour faire constater le délit d'entrave. « Je ne peux que constater. Le respect de la loi, c'est le juge ».

Plus de drapeaux

C'est ce qui a finalement été décidé, bien que nombre de salariés auraient bien été tentés par un coup de force. « C'est précisément ce que cherche la direction, que nous nous mettions dans notre tort ». Jean-Christophe Capdet espère seulement que ce référé sera rapidement jugé. « Nous faisons encore partie de l'entreprise pendant soixante jours à compter du 9 septembre. Il est inouï que l'on interdise l'entrée dans leur société de salariés protégés. Ils ont même décroché tous les drapeaux de la CGT, même celui qui était sur la cheminée de l'usine ! »

Plus que jamais, les papetiers qui continuent à monter la garde sur leur outil de travail espèrent des nouvelles du repreneur. La balle est aujourd'hui dans le camp du tribunal de commerce de Grenoble qui doit statuer sur le sort de la seconde offre de Lenk. Mais au train où vont les choses, le groupe Matussière n'a pas l'air de vouloir quelle que reprise que ce soit... « Lenk est intéressé depuis le mois de février... » Les Badois sont gens patients.

Guillaume MAZEAUD

.