- EXTRAIT DU JUGEMENT DES
PRUD'HOMMES D'ÉPINAL - 

MINUTE N°2005/342

 

Sur l'irrecevabilité des salariés protégés: 

Attendu que l'Inspecteur du Travail a autorisé le licenciement des salariés protégés en date du 05.07.2004 
conformément aux articles 1.236-11, R.436-1 et suivants du Code du Travail. 

Attendu que ces articles concernent une demande de licenciement économique. 

Attendu que les salariés ne contestent pas le motif économique de leur licenciement mais la validité du plan social.

Attendu que la Cour de Cassation dans son arrêt du 25.06.2003 n° 01-43-717P fait mention que les salariés protégés dont le licenciement a été autorisé par l'Inspecteur du Travail peuvent contester la validité du plan social devant la juridiction judiciaire et lui demander d'en tirer les conséquences légales qui s'évincent de l'article L.321-4-1 du Code du Travail, sans que cette contestation, qui ne concerne pas le bien fondé de la décision administrative, porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. 

Attendu que le Conseil rejoindra la Cour et dira la demande des salariés protégés recevable.

 

Sur la violation de l'obligation de reclassement: 

Attendu que la Loi du 27.01.1993 énonce que tout employeur y compris en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire qui licencie pour motif économique dans une entreprise d'au moins 50 salariés, plus de 9 personnes, se doit de présenter aux représentants du personnel un plan social qualifié depuis la Loi du 17.01.2002 de plan de sauvegarde de l'emploi, visant à limiter le nombre de licenciements et à favoriser le reclassement des salariés visés tant sur le plan interne qu'externe, outre à favoriser un accompagnement social des salariés licenciés. 

Attendu que ces Lois donnent obligation à tout employeur de mettre en oeuvre des moyens pour limiter au minimum le nombre de licenciements. 

Attendu que le Conseil qualifiera le plan social d'illicite pour non-respect de l'article L.321-5 qui prévoit que quel que soit l'effectif de l'entreprise ou de l'établissement et le nombre de salariés touchés par le plan, l'employeur doit mettre en oeuvre les moyens permettant le bénéfice d'une Convention de Conversion prévue à l'article L.322-3 du Code du Travail. 

Attendu que le Code du Travail dans son article L.321-5-2 prévoit qu'en cas de redressement ou liquidation judiciaire, l'administrateur doit proposer aux salariés le bénéfice d'une Convention de Conversion prévue à l'article L.322-3.    

Attendu que le Code du Travail dans son article L.321-4-1 énonce que le plan social doit prévoir des mesures autres que les dispositions concernant les Conventions de Conversion visées aux articles L.321-5 et suivants. 

Attendu que ce plan de sauvegarde de l'emploi doit donc comprendre le dispositif de la Convention de Conversion qui est obligatoire pour tout salarié âgé de moins de 57 ans et ayant une ancienneté d'au moins deux ans dans l'entreprise. 

Attendu que l'autorité administrative se devait de veiller au respect de l'article L.3217, alinéa 4. 

Attendu que cela n'a pas été le cas, car les organisations syndicales du C.C.E. ont signé sans tenir compte que le CE de l'établissement de Rambervillers a toujours fait savoir que le plan social était illicite

Attendu que l'accord collectif ne pouvait donc remettre en cause l'obligation de mise en place et mise en oeuvre du dispositif prévu à l'article L.321-6, alinéas 3 et 4 du Code du Travail. 

Attendu que le Conseil était au moment des faits compétent à propos de la Convention de Conversion prévue à l'article L.511-1 alinéa 3 du Code du Travail. 

Attendu que l'obligation de convention de conversion n'a été abrogée qu'en date du 24.06.2004. 

Attendu que la Cour de Cassation l'a confirmée dans un arrêt du 30.09.2004. 

Attendu que le Conseil ne pourra que constater que l'administrateur a manqué à ses obligations. 

Sur l'insuffisance du plan social: 

Attendu qu'au vu des pièces versées au débat le Conseil ne retiendra pas comme suffisantes les simples mesures d'accompagnement qui ne visent pas au reclassement des salariés telles que par exemple les mesures d'âge, le maintien de la mutuelle, le PARE et le PRE-PARE et l'indemnité complémentaire de licenciement. 

Attendu que sur les recherches en interne l'entreprise avait 12 emplois de disponibles dans les autres établissements; que ces établissements étaient aussi touchés par des licenciements; ceux-ci ne pouvaient logiquement pas être pourvus par des salariés de Rambervillers. 

Attendu que l'entreprise et le CCE ont misé sur l'efficacité du Cabinet CHORUS et surtout sur le résultat du nombre de salariés reclassés.

Attendu que l'entreprise n'apporte pas au Conseilles éléments démontrant les pressions sur le Cabinet CHORUS pour reclasser un maximum de salariés et s'est limitée à procurer un tableau final. 

Attendu que les recherches en externe ont été faites par l'organisme CHORUS qui s'est engagé à proposer des CD! et CDD de plus de six mois. 

Que l'Inspection du Travail a refusé dans son courrier du 23.03.2004 dans le point 4-2 de l'accord en précisant que le reclassement devait se faire exclusivement sous la forme de CDI et demandait donc de supprimer la mention relative au recours aux CDD de plus de six mois. 

Que malgré cette demande, CHORUS a tout de même fait des propositions de CDD et intérims. 

Attendu qu'il ressort de la commission de suivi finale du 08.02.2005 dans le tableau trop peu explicite et peu compréhensif que seulement une trentaine de salariés s'est vue proposer un cm. 

Attendu que le tableau final est en grande partie inacceptable:

- beaucoup de salariés ne se sont pas vus proposer les 3 emplois CDI prévus,

- il y a beaucoup de propositions de CDD, mission intérim qui étaient refusées par l'Inspection du Travail,

- il y a beaucoup de code 664024B, 664065B, 665485B, etc... dans la colonne date d'embauche que le Conseil ne peut exploiter. 

Attendu que l'antenne emploi du bassin d'Épinal - Saint-Dié a détecté 830 postes au 31.01.2005 dans différents secteurs d'activités. 

Que ces postes ont été mis à disposition de l'antenne emploi gérée par le Cabinet CHORUS. 

Que la seule activité de la papeterie recherchait 35 salariés. 

Que le CGEA procure au Conseil deux listes avec les salariés qui ont retrouvé un emploi. 

Que ces salariés sont au nombre de 15. 

Que le Conseil relève que Madame xxxxx, Messieurs xxxxx, xxxxxx, xxxxxxx et xxxxxxx figurent comme demandeurs, mais pas dans le tableau de l'antenne emploi. 

Attendu que l'entreprise s'est limitée au simple recours au Cabinet CHORUS pour son obligation de reclassement. 

Attendu que le Conseil ne pourra que retenir qu'il y a bien une insuffisance de résultat et de recherche. 

Attendu que les aides financières proposées par la Direction comme les 1.500 Euros pour la formation sur un autre métier pour des salariés qui sont plus près de la cinquantaine; ou encore 4.600 Euros pour la création d'entreprise sachant qu'il en faut plus de 7.500 pour une SARL; ou encore les 2.500 Euros proposés pour un départ volontaire sachant que tous les salariés seraient licenciés par la fermeture de leur établissement; ne sont pas des propositions qui pouvaient être acceptées par les salariés. 

Attendu que le Conseil qualifie ces aides de bien insuffisantes pour intéresser les salariés. 

Attendu que le Conseil retiendra que la SA PAPETERlES MATUSSIERE ET FOREST et l'administrateur n'ont pas pris suffisamment au sérieux la candidature potentielle de LENK. 

Qu'il apparaît dans la presse des échos du 07.06.2004 que LENK est prêt à reprendre l'usine de Rambervillers. 

S'ajoute à cet article de presse un courrier du Cabinet d'Avocats EPP,GEBAUER et KÜHL annonçant l'abandon du projet de reprise en donnant comme explications qu'aucune réaction officielle à l'offre de LENK n'a été faite suite à leur courrier recommandé du 06.09.2004. 

Il est fait état aussi dans ce courrier que LENK regrette fortement d'avoir été amené à prendre cette décision en dépit de leur conviction qu'ils auraient pu mener à bien le redressement du site. 

Attendu que dans ces conditions le Conseil ne pourra qu'être conforté dans son jugement d'insuffisance de recherche de moyens et de volonté à trouver la meilleure des solutions pour sauvegarder l'emploi sur le bassin. 

Attendu que le Conseil fera droit à la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur les bases suivantes:

      - pour les retraités et les salariés dispensés de recherche d'emploi, car ayant plus de 55 ans, 9 mois de salaires,      .

      - pour les salariés de plus de deux ans d'ancienneté et ayant de 40 à 55 ans, 30 mois de salaires,

      - pour les salariés de plus de deux ans d'ancienneté et ayant entre 25 ans et 40 ans, 18 mois de salaires,      .

      - pour les salariés de plus de deux ans d'ancienneté et ayant moins de 25 ans, 12 mois de salaires,

      - pour les salariés de moins de deux ans d'ancienneté, 6 mois de salaires.

 

Sur le défaut de proposition de la convention de conversion: 

Attendu que l'administrateur n'a pas respecté les obligations prévues au Code du Travail pour les salariés de moins de 57 ans et ayant au moins deux ans d'ancienneté. 

Attendu que les salariés ont de ce fait perdu le bénéfice de 6 mois d'allocations de conversion, de 300 heures de formation et qu'ils ont donc subi un préjudice qu'il faudra compenser par une indemnité. 

Sur la violation de la procédure de licenciement économique collective:

 

Attendu que le Conseil reconnaît que le Président du CCE a failli à ses obligations en ne respectant pas les articles L.435-4 et L.433-1 traitant de l'assistance du chef d'entreprise. 

Attendu que le Conseil intégrera les dommages et intérêts de ce préjudice avec ceux pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile:

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des salariés les frais qu'ils ont dû engager pour faire respecter leurs droits forts légitimes; que le Conseil fera droit à cette demande à hauteur de 150,00 € par personne.

Sur l'application de l'article L.122-14-4 du Code du Travail. 2° alinéa:

Attendu qu'il apparaît au dossier que les organismes concernés pour le versement des allocations de chômage ne sont pas intervenus à l'instance et n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Attendu que l'article précité, dans son deuxième alinéa, stipule que le Conseil doit ordonner, dans ce cas, d'office le remboursement par l'employeur fautif aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé par le tribunal, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié concerné.

Attendu que le Conseil fixe le remboursement des indemnités de chômage dans la limite de 30 allocations journalières.     .

 - PAR CES MOTIFS

Le Conseil, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoireme et en premier ressort.

Fixe la créance des demandeurs sur la SA PAPETERIES MATUSSIERE ET FOREST en redressement judiciaire aux sommes suivantes:

- à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et violation de la procédure de licenciement économique collectif:

xxxxxxxxxxxxxxxx